Chers
lecteurs, voici un article que je n'aurais jamais pensé écrire,
tant il me paraissait évident que les deux temples successifs de
Jérusalem avaient été bâtis sur le site du mont du Temple, connu
aussi sous le nom d'Esplanade des mosquées.
Le
sujet de la controverse
L'idée
selon laquelle les Temples de Salomon et Zorobabel s'élevaient
jadis, non pas sur le mont Moriah (le mont du Temple), mais plutôt
dans la Cité de David est en train de gagner de plus en plus de
terrain. Cette idée étant même acceptée et relayée par quelques
historiens et biblistes.
C'est
ainsi que les partisans de cette théorie affirment que Salomon
aurait bâti le Temple de YHWH dans le secteur où l'Archéologue
Eilat Mazar a mis au jour les restes du palais supposé du roi David
en 2005.
On
a effectivement découvert à cet endroit, situé sur les hauteurs de
la Cité de David et en surplomb de la source de Gihon, les vestiges
d'un bâtiment dont la taille suggère qu'il s'agirait plus d'un
palais que d'une simple habitation.
En
outre, la présence même de la source de Gihon à proximité de ce
lieu serait pour nos contradicteurs un indice prouvant que le
Sanctuaire se trouvait à cet endroit. Un passage clé du livre des
Psaumes est souvent cité à l'appui de leur revendication, à
savoir :
''Et
ceux qui chantent et ceux qui dansent s'écrient : Toutes mes
sources sont en toi.'' (Ps. 87 : 7, version L. Segond).
D'où
vient cette théorie ?
Étonnamment
l'idée n'est pas neuve ! C'est le météorologiste et bibliste
américain Ernest L. Martin (1932-2002) qui l'exposa en 1999 dans son
livre intitulé ''The Temples that Jerusalem Forgot''. Cet homme, qui
fut professeur à l'Ambassador Collège de Pasadena pendant une
quinzaine d'années, collabora aux fouilles archéologiques sur
l'Ophel à Jérusalem pour le compte de l'Ambassador Collège avec
Benjamin Mazar de l'Université hébraïque de Jérusalem.
Ernest
Martin avait quitté l'Ambassador Collège en 1974, mais cette
expérience archéologique lui avait probablement donné la
conviction que le Temple s'élevait, non pas sur le site d'Haram
al-Charif
(le mont de Temple), mais plutôt dans la Cité de David au-dessus de
la source de Gihon.
Quoique
cette théorie ne rencontrât pas énormément de succès à ses
débuts, la polémique ne tarda pas à naître parmi les spécialistes
concernés et, aux échanges d'articles et études réciproques,
succédèrent des livres appuyant telle thèse ou telle autre. (Je
vous renvoie aux sites web des protagonistes, si le débat vous
intéresse).
Il
est néanmoins regrettable de voir surgir à nouveau cette théorie
aujourd'hui, d'autant plus que, depuis la parution du livre de
Monsieur Martin, de nouvelles découvertes archéologiques réalisées
dans la Cité de David, sur l'Ophel et autour du mont du Temple
tendraient à prouver que les deux temples s'élevaient bien sur le
mont du Temple et non pas dans la Cité de David. Et, il n'est
probablement pas impossible que Monsieur Martin fût revenu sur sa
théorie, s'il eût été toujours vivant aujourd'hui.
Je
vous invite, par ailleurs, à découvrir les nombreuses études et
livres écrits par des scientifiques sérieux et reconnus comme
Madame Eilat Mazar, spécialiste de l'archéologie biblique,
l'Archéologue Dan Bahat et l'Architecte Leen Ritmayer, qui a
collaboré avec son épouse Kathleen aux fouilles de Benjamin Mazar.
Où
s'élevait alors le Temple ?
A
quelques dizaines de mètres près, nous ne savons pas précisément
où se trouvait le Temple, puisque sans l'autorisation de la Wafq,
dépendante de l'Autorité palestinienne, qui est responsable de
l'administration de l'Esplanade des mosquées, il est hors de
question d'envisager quelque sondage que ce soit et encore moins
d'organiser une campagne de fouille approfondie sur le site ; ce
qui est bien évidemment dommage, ne fût-ce que pour la vérité
historique.
Il
nous reste donc à investiguer et analyser les structures anciennes
existantes comme les ruines, les murs de soutènement toujours en
place, les portes murées, les repères géographiques, les vestiges
et artefacts découverts, sans oublier les sources littéraires
bibliques, talmudiques et profanes abondantes et si précieuses.
Ainsi,
selon les spécialistes convaincus que le mont du Temple est le bon
site, le Sanctuaire devait s'élever, soit sur l'emplacement de la
mosquée du Dôme du Rocher, soit juste au nord de cette mosquée, ou
alors au sud, entre la mosquée du Dôme du Rocher et la mosquée Al
Aqsa.
Mais,
il est certain que le Temple s'élevait bien sur le mont du même nom
et non pas sur l'Ophel ou sur les hauteurs de la Cité de David
située quelque cinq cents mètres plus bas que le mont Moriah.
Au
cours des fouilles de l'Ophel, l’Archéologue Benjamin Mazar avait
d'ailleurs retrouvé, en contre-bas du mur de l'Esplanade, une pierre
gravée portant l'inscription hébraïque : ''... pour la place
de la sonnerie de la trompette''. Cette pierre provenant
vraisemblablement du haut de l'Esplanade indiquait l'endroit où le
lévite sonnait de la trompette pour annoncer le début et la fin du
shabbat.
Quelques
arguments tirés des Écritures
Nous
n'allons pas passer en revue tous les arguments des uns et des autres
pour étayer notre hypothèse : ils sont nombreux et déjà
largement publiés. Mais permettez-moi tout de même d'en mentionner
quelques-uns qui me semblent suffisamment pertinents.
-
D'abord, tous ceux qui ont déjà visité le site de la Cité de
David auront bien du mal à imaginer la présence d'un temple aux
côtés du palais du roi, dont les ruines sont à présent
accessibles aux visiteurs. Or, la configuration des vestiges mis au
jour à cet endroit par Eilat Mazar correspond plus à un palais qu'à
un temple.
''Hiram,
roi de Tyr, envoya une délégation à David. Il lui fit livrer du
bois de cèdre et lui envoya aussi des charpentiers et des tailleurs
de pierres, pour lui construire un palais.'' (II Sam. 5 : 11,
version en français courant).
-
De plus, le palais du roi se trouvait bien sur les hauteurs de la
Cité de David, puisque cette position permit au roi de contempler la
beauté de Bethsabée qui se baignait (forcément en contre-bas du
palais !).
''Vers
le soir, David se leva de sa couche et se promena sur la terrasse de
la demeure royale, d'où il aperçut une femme qui se baignait :
cette femme était fort belle.'' (II Sam. 11 : 2, v. Zadoc
Kahn).
-
D'autre part, le texte nous dit bien que le lieu où fut édifié
plus tard le Temple appartenait à un certain Aravna, et que David
lui acheta cette terre pour bâtir un sanctuaire au Seigneur.
''-
Majesté, pourquoi viens-tu chez moi ? - Je désire t'acheter
cet emplacement-ci, répondit David. Je veux y construire un autel
pour le Seigneur, afin que le fléau qui c'est abattu sur le peuple
prenne fin.'' (II Sam. 24 : 21, v. en français courant).
Cet
emplacement ne se trouve donc pas dans la Cité de David, puisque le
roi a acheté cette terre, alors que la forteresse de David fut prise
de force sans négociation !
''Mais
David s'empara de la forteresse de Sion, qui est la Cité de David.''
(II Sam. 5 : 7, v. Zadoc Kahn).
-
Remarquez également ce détail géographique révélateur :
''18
(...) - Monte sur l'aire où Aravna bat son blé, et construis là un
autel pour le Seigneur. (...) 20 D'en haut, Aravna vit le roi et ses
ministres qui venaient vers lui...'' (II Sam. 24 : 18, 20, v. en
français courant).
Tous
ceux qui ont visité ce lieu comprendront parfaitement pourquoi
David, depuis son palais, dut monter pour aller à la rencontre
d'Aravna. Il y a effectivement une forte dénivellation entre ces
deux points. C'est pour cette raison que l'aire d'Aravna (le mont du
Temple) était parfois comparée à une montagne ou une colline.
''...Jérusalem
s'appellera [maintenant] ''la ville de fidélité'' et la montagne de
l’Éternel-Cebaot ''la montagne sainte''.'' (Zach. 8 : 3, v.
Zadoc Kahn).
-
Quant au palais du roi Salomon, il ne fait aucun doute qu'il fut bâti
en dehors de la forteresse de David, et vraisemblablement à
proximité du Temple (voir I Rois, chapitres 6 et 7).
''Le
roi Salomon épousa une fille de Pharaon, roi d’Égypte, et, par ce
mariage, il s'allia avec le Pharaon. Il amena sa femme dans la Cité
de David à Jérusalem, en attendant d'avoir fini de bâtir son
propre palais, ainsi que le temple du Seigneur et les murailles qui
entourent Jérusalem.'' (I Rois 3 : 1, v. en français courant).
Notez
que les murailles, dont il question dans ce passage ci-dessus, sont
celles que Salomon ajouta aux premières murailles de la cité
jébusienne (la Cité de David) conservées par le roi. Une section
de cette muraille édifiée à l'époque de Salomon fut mise au jour
en bas de l'Ophel par Eilat Mazar en 2010.
-
Et, dès que le Temple fut bâti, Salomon fit transporter le coffre
de l'alliance de la Cité de David au Temple nouvellement inauguré.
Ce qui nous montre une fois encore que le Temple ne se trouvait pas
dans la Cité de David.
''A
ce moment-là, le roi Salomon invita les anciens du peuple, les chef
des tribus et les représentants des vieilles familles d'Israël à
se rassembler auprès de lui à Jérusalem, pour transporter le
coffre de l'alliance du Seigneur depuis la Cité de David, qu'on
appelle également Sion, jusqu'au temple.'' (I Rois 8 : 1, v. en
français courant).
-
Un autre passage du Nouveau testament est aussi utilisé par nos
contradicteurs pour affirmer qu'il n'y a jamais eu aucun temple sur
l'Esplanade des mosquées.
''5
Quelques personnes parlaient du temple et disaient qu'il était
magnifique avec ses belles pierres et les objets offerts à Dieu.
Mais Jésus déclara : 6 - Les jours viendront où il ne restera
pas une seule pierre posée sur une autre de ce que vous voyez là ;
tout sera renversé.'' (Luc 21 : 5-6, v. en français courant).
Ainsi,
selon nos contradicteurs, le mur du Kotel (le Mur occidental)
constituerait une preuve que le Temple ne se trouvait pas sur
l'Esplanade, puisque ce mur, dont on peut admirer les nombreuses
pierres posées les unes sur les autres, est toujours en place. Mais
le Mur occidental n'est qu'un mur de soutènement de l'Esplanade, et
n'a jamais été un des murs du Sanctuaire. Par contre, il n'y a
effectivement plus aucun mur du Temple debout. Cet argument n'est
donc pas valable et la prophétie de la destruction du Temple bien
accomplie en l'an 70. C'est, d'ailleurs, après cette destruction que
la dixième légion romaine s'installa sur l'Esplanade.
Une
théorie qui plaît à certains !
Il
est vrai que certains croyants sont impatients de voir un troisième
Temple rebâti à Jérusalem, comme cela est prophétisé dans
plusieurs passages des Écritures. Ces gens se rendent évidemment
bien compte que cette reconstruction sera difficile à réaliser sur
l'Esplanade, d'où cet intérêt pour un site qui poserait beaucoup
moins de problème, selon eux. Mais cela correspond-t-il à ce qui
est écrit ? ...
Cet
article a également été publié sur « Ops & Blogs »
du Times of Israel :
Janvier
2018
Jacquy
Mengal