La
récente découverte d'un sceau en argile (bulla) au nom du roi
judéen Ezékias a ravivé l'enthousiasme des biblistes et croyants
du monde entier.
Le
sceau, découvert en 2010 et identifié il y a peu, fut présenté au
public lors d'une conférence de presse au début décembre 2015 par
Madame Eilat Mazar, archéologue de l'Université hébraïque de
Jérusalem (1).
C'est
dans les fouilles de l'Ophel, au pied du mont du Temple, que l'objet
fut trouvé, puis identifié avec certitude comme étant l'empreinte
du sceau du roi Ezékias par Madame Reut Ben Arieh de l'Université
hébraïque.
La
pièce en argile, de la taille d'une petite monnaie, mesure 9,7 sur
8,6 millimètres et représente dans un style égyptien le soleil
avec deux ailes, flanqué de deux croix ankh, avec l'inscription en
hébreu ancien : «
A Hezekiah {fils de} Achaz, roi de Judée ».
Pour
rappel, Ezékias fut un des plus célèbres rois de Juda, qui régna
de 715 à 686 avant notre ère (II Rois 18 à 20 ; Esaïe 36 à
39 et II Chron. 29 à 32).
Spécificité
de l'archéologie biblique
Si
d'une manière générale l'archéologie apporte à l'historien les
preuves dont il a besoin pour étayer son argumentation,
l'archéologique biblique revête parfois une dimension religieuse
et/ou politique supplémentaire.
En
effet, au-delà de l'intérêt scientifique et historique
qu'apportent habituellement les nouvelles découvertes, la mise au
jour d'éléments archéologiques en
Israël
suscite bien plus de passions et de controverses que nulle part
ailleurs.
C'est
ainsi que pour certains, la moindre trouvaille - ou l'absence de
découverte pour d'autres - est parfois prétexte à l'affirmation de
revendications territoriales. Alors que pour les croyants, c'est leur
foi qui sera confortée, ou remise en question selon les
sensibilités.
Faut-il
fouiller avec ou sans la Bible ?
Dans
un souci de neutralité confessionnelle, certains préfèrent parler
d'archéologie « syro-palestinienne » au lieu
d'archéologie biblique. Mais, même si cette dernière appellation
dérange quelque peu les « minimalistes » (2), c'est tout
de même bien la Bible qui reste la source littéraire principale
fournissant repères et informations nécessaires à la conduite des
recherches.
Savez-vous
que l'existence des Hittites, dont aucun texte de l'antiquité
gréco-romaine ne parlait, était mise en doute malgré leur mention
dans la Bible.
Ce n'est qu'au début du XXe siècle, après le déchiffrement des
hiéroglyphes et de l'écriture cunéiforme, qui les mentionnaient,
que leur existence fut confirmée.
Cet
acharnement que certains ont à réfuter systématiquement le récit
biblique, parce que certains faits relatés ne sont pas (encore)
corroborés par des trouvailles, est tout simplement puérile et
malhonnête. Il est évident que tout ne peut s'expliquer par
l'archéologie et qu'avant de découvrir l'objet « témoin »,
celui-ci demeure forcément inconnu puisque enfui dans le sous-sol et
caché au regard des sceptiques !
C'est
ainsi que certaines voix semblent nier l'existence du Temple de
Salomon. Mais qu'il soit alors permis aux archéologues d'effectuer
des sondages et des fouilles sur le lieu supposé de l'emplacement de
ce temple, et nous verrons bien si ce bâtiment était une fiction ou
pas !
Est-il
aussi raisonnable de prétendre que le règne des rois David et
Salomon était un mythe, alors que l'existence de leurs successeurs
directs est attestée par plusieurs découvertes, dont ce sceau en
argile au nom d'Ezékias ?
« Ezékias
fit ce qui plaît au Seigneur, tout comme son ancêtre David. »
(II Rois 18 : 3).
L'exhumation
en 1993 du fragment d'une stèle en basalte appelée « la stèle
de Tel Dan », comportant l'inscription « la
maison de David »
aurait pourtant dû convaincre les « minimalistes » et
les incrédules de la réalité historique du règne de David.
De
même, les récentes campagnes de fouille réalisées par Eilat Mazar
ont également permis de mettre au jour une portion de l'ancienne
muraille de Jérusalem, longue d'une septantaine de mètres, ainsi
qu'une tour ; le tout daté du dixième siècle avant notre ère,
soit l'époque du règne de Salomon.
Et,
quelques années auparavant, ce sont les murs d'un vaste bâtiment
situé dans la Cité de David qui furent exhumés. Si on ne peut
encore déterminer avec exactitude la fonction de ce bâtiment,
l'importance des vestiges et leur localisation privilégiée sur les
hauteurs du site tendraient à prouver qu'il s'agit bien des ruines
du palais du roi David.
D'autre
part, des archéologues, ayant retrouvés des idoles (notamment des
statuettes d'Astarté) sur des sites habités jadis par les
Israélites, soutiennent que ceux-ci étaient foncièrement
polythéistes et que le monothéisme serait apparu très tard dans la
société israélite. Mais une fois encore, cette affirmation est
contredite par les Écritures, qui attestent bien que les Israélites
adoraient YHWH, quoiqu'il fut parfois difficile pour certains
d'entre-eux à se débarrasser de leurs idoles :
«
... Si
c'est de tout votre cœur que vous revenez au Seigneur, cessez
d'adorer les idoles d'Astarté et de tous les autres dieux
étrangers ; attachez-vous au Seigneur et servez-le lui seul
...»
(I Samuel 7 : 3).
D'autres
découvertes ...
Bien
que les découvertes archéologiques corroborant la validité des
Écritures soient rarement spectaculaires, les vestiges et objets que
l'on a déjà exhumés confirment souvent de façon surprenante le
Texte biblique.
Le
déluge,
qui est souvent considéré comme un mythe, a marqué toutes les
civilisations du monde. Que la catastrophe ait été locale (en
Mésopotamie) ou universelle, tous les peuples de la terre possèdent
un récit - souvent romancé et déformé - d'une gigantesque
inondation à laquelle quelques humains seulement survécurent.
Quant
aux villes de Sodome
et Gomorrhe,
c'est au début des années 1970 que les archéologues Walter Rast et
Thomas Schaub ont mis au jour les ruines de ces cités au sud-est de
la mer Morte, grâce à la théorie du géologue F. G. Clapp et des
recherches effectuées par W. F. Albright en 1924. Ces deux villes
détruites au début de l'âge du bronze moyen correspondent à
l'actuel site de Bab edh-Dhra pour Sodome et Numeira pour Gomorrhe.
Certains
s'étonnent aussi de l'absence de preuve matérielle laissée par les
Patriarches
de la Bible. Mais que voulez-vous retrouver de ces gens qui vivaient
en petits groupes nomades il y a près de 4 000 ans ? La cité
d'Ur en Chaldée, d'où est sorti Abraham, a pourtant bien été
identifiée, et l'arrivée de groupes de Sémites au pays d’Égypte
est également bien attestée ; ne fut-ce que par la splendide
fresque de la tombe de Khnoumhotep II découverte à Beni-Hassan en
Égypte et datée de 1890 avant notre ère.
Cette
fresque représente un groupe de Sémites se rendant en Égypte à
l'époque d'Abraham. Détail intéressant : leur habits très
colorés nous rappellent la magnifique tunique que portait Joseph
(Genèse 37 : 23).
Selon
certains historiens, la présence des Israélites en Égypte et leur
Exode serait également un mythe.
Si
l'on prétend que l'Exode
s'est déroulé au milieu du XIIIe siècle avant notre ère sous
Ramsès II, il est vrai qu'il y a peu de chance pour que cette
histoire majeure de la Torah soit corroborée par l'archéologie.
Par
contre, si l'on respecte la chronologie biblique en reculant la date
de l'Exode de deux cents ans, on s'aperçoit que les événements
décrits dans le Texte deviennent tout à coup cohérents et
vraisemblables (3).
La
controverse concernant l'histoire de l'Exode réside dans une erreur
de datation. Ramsès II n'est pas le pharaon de l'Exode ! Les
archéologues Finkelstein et Silberman reconnaissent d'ailleurs qu'il
eut été impossible qu'un groupe d'esclaves ait pu sortir du pays
d’Égypte à l'époque de Ramsès II (4).
On
a effectivement retrouvé les traces d'un peuple étranger qui se
serait installé en Basse Égypte vers 1700 avant notre ère, et que
les Égyptiens nommaient « Hyksôs » (Pasteurs
étrangers). C'est d'ailleurs eux qui ont introduit en Égypte le
char tiré par des chevaux.
Leur
capitale, Avaris, appelée plus tard Pi-Ramsès, était bien située
dans la région de Goshen, à l'est du delta du Nil. Et le récit de
Manéthon (5), rapporté par Flavius Josèphe dans Contre-Apion,
relate bien - mais de façon déformée - l'exode de ces Hyksôs vers
l'Est. Les différentes campagnes de fouille de Manfred Bietak ont
d'ailleurs bien confirmé l'existence de cette population sémite
dans le Delta (6).
Et
le mont
Horeb aurait
été localisé dans les années 1980 à Har Karkom dans le sud du
Néguev à la frontière égyptienne par le professeur Emmanuel
Anati, paléo-ethnologue de l'Université de Lecce en Italie. Les
découvertes de ce scientifique, qui se disait agnostique, sont
surprenantes (7).
Quant
à la conquête
de Canaan
menée par Josué, ce sont encore des tablettes en argile avec
inscriptions cunéiformes qui nous relatent l'invasion des
« Habirus » (8) en Canaan.
Or,
ces tablettes, découvertes à Tell el-Amarna (Egypte) en 1887, sont
datées de l'époque même de la conquête des Hébreux, soit plus ou
moins vers le début du XVe siècle avant notre ère.
Et
enfin, la présence des Israélites
en terre de Canaan
est attestée par la célèbre stèle de Merenptah, découverte par
Flinders Petrie en 1896 et datée de – 1210. Il y a tout lieu de
croire cependant qu'ils étaient déjà installés sur les hautes
terres de Canaan depuis presque deux cents ans, puisque la conquête
éclair de Josué eut lieu dès – 1406.
Pour
la période qui s'étend du règne de Salomon au premier siècle de
notre ère, nous disposons de preuves archéologiques plus nombreuses
et largement suffisantes pour corroborer le récit biblique. Décrire
ces découvertes sera une autre histoire ...
Notes :
1)
Voir article du 2 décembre 2015 écrit par Ilan Ben Zion dans le
Times
of Israel.
2)
Les archéologues du courant « minimaliste » considèrent
que la plupart des textes de la Bible hébraïque ont été rédigés
entre le Ve et le Ier siècle avant notre ère. Selon eux, les
événements historiques rapportés par la Bible sont minimes et peu
crédibles, d'où le nom qui leur a été donné. A l'opposé de ce
mouvement, les « maximalistes » ont peut-être tendance à
vouloir tout expliquer par les Écritures, même quand cela est
difficile.
4)
Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman,
la
Bible Dévoilée, Les Nouvelles Révélations de l'Archéologie,
Bayard, Paris, 2002, p. 78.
5)
Manéthon de Sébénnytos était un prêtre égyptien qui vécut au
IIIe siècle av. J.-C. A la demande de Ptolémée Ier Sôter, il
écrivit une histoire de l’Égypte en trente volumes où figurait
l'épisode de l'Exode. Cette œuvre malheureusement disparue ne nous
est connue que par quelques citations fragmentaires rapportées par
Flavius Josèphe (Ier siècle ap. J.-C.).
6)
Manfred Bietak, Avaris, The
Capital of the Hyksos, Recent Excavations at Tell el-Dab'a.
Published by British Museum Press, London, 1996.
7)
Voir http://www.harkarkom.com/
8)
Les Habirus désigneraient les Hébreux de la Bible, et le nom grec
« Hyksôs », les « Pasteurs étrangers ».
Ces différents noms peuvent troubler le lecteur, mais ne nomme-t-on
pas les Tziganes des Gitans ou des Roms, alors qu'il s'agit du même
peuple ?
Cet
article a également été publié sur "Ops & Blogs" du
« Times of Israel » :
Janvier
2016
Jacquy
Mengal
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